Première partie : 1914-1915
Résumé : Durant les quatre années de guerre, Jean Baptiste Renault a régulièrement adressé à ses enfants Marie et Jean des cartes postales du front puis, après sa blessure de septembre 1915, de ses lieux de soin et de convalescence.
Les illustrations allégoriques et les rédactions, souvent très brèves et parfois maladroites, contribuent à nous faire comprendre le lien rendu difficile par la distance et le chaos du conflit mondial et à nous faire entrer dans l'intimité familiale.
Si certains contenus peuvent nous paraître aujourd'hui un peu insignifiants, il nous faut nous souvenir que les photographies étaient alors encore rares et que les moyens actuels de communication n'existaient évidemment pas.
La réception d'une carte postale, quelle qu'en soit la qualité, était toujours importante et très attendue.
Summary : During the four years of the war, Jean Baptiste Renault regularly sent his children Marie and Jean postcards from the front and then, after his wound in September 1915, from his places of treatment and convalescence.
The allegorical illustrations and the writings, often very brief and sometimes awkward, help us to understand the bond made difficult by the distance and the chaos of the world conflict and to bring us into family intimacy.
If some content may seem a little insignificant to us today, we must remember that photographs were still rare then and that the current means of communication obviously did not exist.
Receiving a postcard, no matter how good, was always important and highly anticipated.
[à sa femme. La carte postale a été achetée à Porspoder lors des vacances d'été 1914]
Le 14 octobre 1914, 2 h soir
Ma chère femme,
Deux mots pour te dire que je suis assez bien, j'ai du repos pour 6 jours, et je ne sais ce que l'on fera de moi ensuite. Un grand bonjour à M. Leduc et à Marthe. Mille bons baisers à petit Jean
et à Marie, ainsi qu'à toi-même.
[signé] JB Renault
Madame Renault
Directrice d'école
Trémeur par Brôons
(Côtes-du-Nord)
[à sa femme]
Le 29 octobre 1914, midi.
Ma chère femme,
Jusqu'ici, je n'ai reçu aucune lettre depuis mon départ, j'en suis très ennuyé. Tes lettres ont dû aller au front puis retourner au dépôt. Je suis ici jusqu'à mardi midi, 3 novembre. Je vous
embrasse tous bien affectueusement.
JB Renault, sergent au 361ème
Creil (Tremblay, Oise).
Écris-moi par retour du courrier.
[à son fils Jean âgé de 6 ans].
Le 5 novembre 1914,
Mon cher petit Jean,
Merci de ta gentille lettre d'hier.Travaille toujours bien en classe. Sois sage et obéissant à la maison, gentil envers maman, Marie, Marthe et papa sera heureux.
Ton petit papa qui t'embrasse bien fort.
[à sa fille Marie].
Le 24 novembre 1914,
Bien chère petite Marie,
Je suis toujours au même endroit. Je te remercie de ton aimable lettre et heureux que tu travailles toujours bien. Je suis certain d'ailleurs que tu continueras et que tu seras toujours bien
docile.
Je t'embrasse de loin.
Ton papa qui t'aime.
[à son fils Jean]
Le 24 novembre 14,
Mon cher petit Jean,
Merci de ton aimable petite lettre. Je suis content que tu sois le premier. Je pense que tu es docile, obéissant à maman et à Marthe.Garde cette carte où sont photographiés trois grands soldats.
Ton papa qui t'aime.
[à son fils Jean]
Le 4 décembre 1914,
Mon cher petit Jean,
Ton papa est bien content de savoir que tu travailles toujours bien et que tu sois toujours le premier. Je pense bien souvent à toi et à tes gentilles caresses. sois toujours gentil et docile,
cela me fera plaisir.
Ton papa qui t'aime.
[à sa femme Augustine]
Creil, le 13 décembre 1914,
Ma chère femme,
Je pars pour le front ce soir, je t'écris de la gare. Bon courage, ne crains rien. Peut-être te reverrai-je avant longtemps.
Ton petit homme qui t'aime.
Un bien gros baiser à petit Jean et Marie.
[à son fils Jean]
Le 15 décembre 1914,
Mon cher petit Jean,
Je retourne ce soir au front. Avant de partir, je t'embrasse bien fort, et souhaite que tu sois content de la visite du père Noël.
Ton papa qui t'aime.
[à son fils Jean, qui vient d'avoir 6 ans, carte envoyée le 29 décembre 1914]
Mon cher petit Jean,
Je t'embrasse bien fort à l'occasion de la bonne année et j'espère que tu seras toujours obéissant comme par le passé.
Ton papa qui t'aime.
[à ses enfants Jean et Marie]
JB Renault
Sergent 361ème
Un grand bonjour de papa
JB Renault
[à sa fille Marie, à l'occasion de son anniversaire].
Le 21 mars 1915
Ma chère petite Maby,
Je te souhaite un bon anniversaire, beaucoup de chance et de plaisir ;
amuse-toi avec tes compagnes, cours, saute au grand air et au soleil, et je serai bien heureux de te trouver toujours grande et forte. continue à être toujours sage, gentille et travailleuse
comme par le passé. Dis à ta maman de fêter gaiement tes dix ans ; ce sera comme si j'étais là. Nous nous retrouverons plus tard et nous fêterons de nouveau ton anniversaire.
Je suis bien content quand je reçois une longue lettre de ma petite Marie. Embrasse pour moi ta maman chérie. Ton petit papa qui t'aime bien fort.
JB Renault
[à son fils Jean]
Le 3 mai 1915
Mon cher petit Jean,
Je t'envoie de loin un grand bonjour avec mes remerciements pour ta gentillesse. Ta lettre m'a fait bien plaisir.
Ton papa qui t'aime et t'embrasse très fort.
JB Renault
[à son fils Jean]
Le 25 mai 1915
Un grand bonjour de ton papa qui pense souvent à toi.
JB Renault
[de son beau-frère François Créhalet, habitant St-Brieuc, après une visite à sa belle-mère Reine Vitel habitant Liscorno en Lannebert et une messe en mémoire de Félix Vitel, marin noyé dans le naufrage du cuirassé Bouvet, touché par une mine ottomane le 18 mars 1915 dans le détroit des Dardanelles].].
Lanvollon, 16 juin 1915
Cher frère
Nous sommes ici en excellente santé, moi et les enfants pour le service de Félix. J'ai reçu ta lettre du 10 mais je suis pressé d'avoir de tesnouvelles, après les événements du 12-13. Ton colis part demain. As-tu reçu ton tabac et ton papier à lettres. J'espère que oui.
Bons baisers de tous.
F. Créhalet
[à son fils Jean. La photo représente la cuisine de campagne, Jean-Baptiste est assis sur le cheval].
Le 5 juillet 1915,
Bonjour de papa qui pense souvent à son petit Jean.
JB Renault
[de sa fille Marie, 10 ans, dite Maby]
Trémeur, le 11 juillet 1915
Mon cher papa,
L'autre jour nous avions reçu ta carte. Ce matin nous avons reçu ta lettre datée du 7. Nous sommes très contents de savoir que tu vas venir passer 4 jours à Trémeur. Ernest [Bertin] est ici
jusqu'à ce soir. Emile Colleu n'a pu avoir de permission pour aujourd'hui.
Maman va prévenir toute la famille et Marthe [amie de la famille, bonne et nourrice de Jean, habitant Languédias] aussi je pense. Maintenant je vais au catéchisme.
Je termine en t'embrassant bien tendrement. Ta petite qui pense souvent à toi.
Maby.
[de sa femme Augustine à J.B. Renault, sergent au 361ème d'infanterie, 17ème compagnie, secteur postal 133]
Dimanche 25 juillet 1915
Bons baisers de nous trois et à bientôt.
Augustine.
[à sa fille Marie, 10 ans, dite Maby]
Le 26 juillet 1915
Ma chère petite Marie,
J'espère avoir le plaisir bientôt de te revoir, nous aurons tous du plaisir et nous serons heureux. sois toujours gentille comme par le passéet ton papa sera bien content.
Ton petit papa qui t'aime.
JB Renault
[à ses enfants Jean et Marie, avec le texte "Qu'est-ce qu'un Boche ?"]
8 août 1915
Bonjour de papa qui pense à vous et espère vous voir bientôt.
Votre petit papa qui vous embrasse très fort.
JB Renault
[à son fils Jean, 6 ans et demi]
Le 14 septembre 1915
Bonjour de papa qui t'aime et pense souvent à toi. Travaille bien en classe et sois sage.
Ton petit papa.
JB Renault
[de son ami Baptiste Geffray, buraliste à Trémeur, également mobilisé sur le front]
Le 22 septembre 1915
Cher ami,
Je pense que vous êtes retourné aux tranchées continuer le triste métier que l'on mène depuis 14 mois. Les permissions sont bien courtes mais ça fait toujours plaisir de revoir les siens. Je
serais heureux d'aller faire un tour à Trémeur moi aussi depuis plus de 9 mois que j'en suis parti.
Enfin je n'ai pas beaucoup à me plaindre car je n'ai pas encore été au danger et j'espère que dans un mois ce sera mon tour s'il ne m'arrive pas de malheur. Nous continuons toujours l'éternel
voyage. Nous avons quitté la Meuse et nous sommes dans la Marne, cette fois tout proches de la ligne de feu, et je pense entrer en action dans les jours.
Bonne santé et la plus cordiale poignée de main d'un ami.
Geffray.
[Jean-Baptiste Renault blessé au front, le 28 ou le 29 septembre 1915 sous une pluie d'obus pendant l'offensive de la Marne, s'en est sorti miraculeusement. Il est évacué du front. On saura bientôt qu'il a reçu des éclats d'obus dans les reins et qu'il devra être soigné et éloigné du front durant plusieurs mois. Carte adressé à sa femme Augustine].
Le 30 septembre 1915
Ma chère petite femme,
Il est 10 heures du matin, je suis dans le train qui doit m'emmener où ? voilà la question. Je ne saurai pas avant ce soir ou demain matin. Je te tiendrai au courant. Je ne vais pas trop mal. Je
ne souffre que des reins et un peu des jambes ; c'est peut-être seulement des courbatures mais la commotion a été forte. il n'y a pas, je pense, de complications internes, le repos seul pourra me
guérir. Enfin, je l'ai échappé belle, car c'était une pluie d'obus et on se demande comment on n'y est pas resté. C'est égal, les boches en voient de plus dures.
Bons baisers de ton petit homme qui t'aime.
JB Renault
[à son fils Jean]
Le 8 octobre 1915,
Bonjour, petit Jean et bons baisers de papa qui pense à toi. Je pense que dimanche, Maby et toi m'enverrez une jolie lettre pendant que maman est ici.
Ton papa qui t'aime et pense souvent à toi.
JB Renault
[à sa fille Marie dite "Maby"]
Le 9 octobre 1915,
Chère petite Maby,
Je viens de recevoir ta gentille carte de jeudi avec celle de Jean et celle de Mlle Guyomard. Maman vient de quitter l'hôpital avec Louise Vitel. Je suis assez bien pour le moment. Je compte avoir le grand plaisir de te revoir bientôt.
Le bonjour à Mlle guyomard à qui j'écrirai demain.
Un gros baiser de ton papa qui t'aime.
JB Renault
[à son fils Jean]
Le 9 octobre 1915
Mon cher petit Jean,
Merci de ta gentille carte de jeudi. Elle est très bien écrite et très intéressante. Elle m'a fait bien plaisir. Je t'emportrai ce que tu me demandes.
Ton papa qui t'aime t'embrasse bien fort, bien fort.
JB Renault
[à ses enfants Jean et Marie]
Le 13 octobre 1915,
Bonjour de papa qui pense à vous et à qui il tarde d'avoir le plaisir de vous revoir.
JB Renault
(à sa fille Marie]
Moisselles, le 4 novembre 1915,
Ma chère petite Marie,
J'espère avoir de tes nouvelles ce soir avec la relation de ton voyage à St-Brieuc. Je n'oublie pas ton plumier.
Ton papa qui t'aime et t'embrasse,
JB Renault
[à son fils Jean]
Moisselles, le 4 novembre 1915,
mon cher petit Jean,
J'ai quitté St-Maurice hier ; mais je compte pouvoir aller à Paris pour t'acheter un beau train.
Un grand baiser de ton papa qui t'aime,
JB Renault
[à son fils Jean]
Moisselles, le 13 novembre 1915,
Mon cher petit Jean,
J'ai reçu hier une lettre de toi, et aujourd'hui un petit mot dans lequel tu me dis quels sont tes amis Paul et Félix. Tes petites lettres me font le plus grand plaisir. Amuse-toi bien et travaille de même, je te récompenserai.
Ton papa qui t'aime et t'embrasse.
JB Renault
[à son fils Jean]
Moisselles, e 16 novembre 1915,
Bonjour mon petit artilleur. Papa qui ne t'oublie pas t'emportera un beau train.
Je t'embrasse bien fort. Ton papa qui t'aime.
JB Renault
[à sa fille Marie, 10 ans]
Moisselles, le 21 novembre 1915
Je viens de recevoir ta carte de jeudi avec la lettre maman. Elle m'a fait plaisir. Tu es très gentille. Dis à maman que je lui écrirai demain, embrasse la pour moi. Je vais toujours la même
chose. Je t'envoie la petite infirmière et le petit artilleur. Si ces cartes te font plaisir, je t'en enverrai d'autres.
Ton papa qui t'aime et t'embrasse.
JB Renault
[à son fils Jean]
Moisselles, le 21 novembre 1915,
J'ai reçu ta longue lettre il y a quelques minutes. Cela m'a fait bien plaisir. Si tu veux, je t'enverrai de jolies cartes. J'écrirai demain à maman : je vais aller faire un tour dans le pays.
Donne le bonjour de ma part à Mlle Guyomard. Je t'emporterai un joli train.
Ton papa qui t'embrasse bien fort.
JB Renault
[à sa femme]
Moisselles, le 25 novembre 1915,
Je suis à peu près toujours dans le même état : aujourd'hui je garde le lit pour me reposer et pouvoir aller dimanche à Paris.
D'ailleurs, je ne souffre pas beaucoup plus que de coutume. Je n'ai pas eu de nouvelles aujourd'hui, ce sera pour demain.
Hier je suis allé me promener près d'Ecouen, à Ezanville, à 3 km. Je t'envoie une vue du château. Je l'ai achetée dans ma promenade.
J'aime à croire que vous allez toujours très bien et que Jean et Maby sont solide [sic] comme des rocs. Embrasse-les pour papa.
Ton petit homme qui t'aime.
JB Renault
[à son fils Jean]
Le 26 novembre 1915
Mon cher petit Jean,
Je serais très heureux si tu t'amusais bien en récréation, si tu courais et sautais avec tes camarades. Ne reste pas le long des murs comme les paresseux qui ont peur de travailler en classe et de jouer dehors, car cela les fatiguerait.
Si tu joues bien, je t'emporterai un très beau train, car tu prouveras en t'amusant que tu auras le courage de t'occuper de ton train.
Plus tu t'amuseras, plus ton jouet sera beau.
Ton papa qui t'aime et t'embrasse,
JB Renault
[de Monsieur Leduc, instituteur retraité, ancien collègue de JB Renault à l'école de Trémeur, rappelé pour le remplacer durant son absence]
Mon cher Monsieur Renault,
J'ai reçu votre carte. Merci. Par ici, rien de nouveau. Un petit garçon à l'Hardillier, un petit Perrette, dit-on. Le temps, beau depuis 15 jours, s'est mis à la pluie et elle tombe aujourd'hui lundi, toute la journée. Et pourtant, les bonnes gens n'ont pas fini leurs travaux.
Allons, mon cher Monsieur Renault, dépêchez-vous de vous guérir pour revenir par ici en convalescence.
A ces jours,
|signé] Leduc
[à son fils Jean]
Enghien, le 7 décembre 1915,
Mon cher petit Jean,
Je t'envoie une jolie vue d'Enghien où je suis depuis hier. Je compte avoir le plaisir de te revoir bientôt.
Ton papa qui t'aime et t'embrasse,
JB Renault
[à son fils Jean]
Enghien, le 14 décembre 1915.
Mon cher petit Jean,
Comme tu es gentil et travailleur, je t'envoie une jolie carte d'Enghien. Ces cartes sont aussi jolies que celles en couleurs. Je t'en enverrai d'autres. Je pense aller te voir dans le mois de janvier. Serais-tu content si je pouvais rester à Trémeur ? Moi, je serais heureux d'avoir mon petit Jean dans ma classe, et je suis sûr que je n'aurais que des compliments à lui faire, car il est laborieux et sage. En attendant, sois gentil envers maman et Maby. Donne le bonjour de ma part à Mlle Guyomard et à Euphrosine.
Ton papa qui pense à toi et t'embrasse.
JB Renault
[à son fils Jean]
Enghien, le 22 décembre 1915,
Mon cher petit Jean,
Comme tu me l'avais demandé, je t'envoie une jolie carte d'Enghien. Ta gentille petite lettre m'a fait grand plaisir. Je vais un peu mieux et espère aller te revoir bientôt et t'emporter un joli train qui, j'en suis sûr, te fera plaisir.
Un gros baiser de ton papa qui t'aime et t'embrasse.
JB Renault
[à sa fille Marie]
Enghien, le 23 décembre 1915
Joyeuses vacances de Noël, amuse-toi de bon coeur pour travailler de même à la rentrée.
Un bon baiser de ton papa qui t'aime.
JB Renault
[à son fils Jean]
Enghien, le 23 décembre 1915,
Joyeux Noël et bonnes vacances. Amuse-toi bien.
Ton papa qui t'aime,
JB Renault
[à son fils Jean]
Enghien, le 28 décembre 1915
Mon cher petit Jean,
J'ai reçu ce matin ta jolie carte de bonne année qui m'a fait bien plaisir. A mon tour je te souhaite une heureuse année ; que tu sois toujours bien portant, gentil et travailleur comme par le passé. Je t'enverrai ta médaille sans tarder.
Ton petit papa qui t'aime et t'embrasse bien fort.
JB Renault
[de Monsieur Leduc, instituteur honoraire remplaçant, à JB Renault]
En réponse à vos vœux, bonne année, bonne santé ! Revenez-nous le plus tôt possible ! Donc à bientôt.
[signé] L. Leduc
[à suivre : correspondances de guerre, 1916 à 1919]
Mise en ligne : novembre 2015
Mise à jour : octobre 2022