La fin du XIXème siècle et le début du XXème voient le développement rapide des sciences et des techniques.
Qu’il s’agisse des structures métalliques avec Gustave Eiffel, de la mécanique et de l’automobile, de l’électricité et du téléphone, des grands projets économiques tels que le percement du canal de Panama, de la rationalisation des cultures avec, notamment, l’invention des engrais azotés, la liste complète des découvertes serait longue à établir.
Il faut y ajouter les premiers travaux de Pasteur et l’émergence d’une discipline encore discrète mais qui sera, avec l’informatique et l’électronique, la science à l’origine d’une des plus grandes révolutions sociales. La biologie ne porte pas encore son nom, son domaine est encore mal identifié et oscille entre l’« histoire naturelle » et la chimie. Aujourd’hui encore, c’est au titre de cette dernière discipline que l’on attribue le prix Nobel aux plus grands chercheurs en Biologie.
C’est dans ce contexte qu’il faut situer le développement de l’enseignement et la mise en place, à côté d’une voie « classique », d’une série qualifiée de « moderne » parce qu’elle laisse la place belle aux mathématiques et aux sciences physiques aux dépens des langues anciennes et des « humanités ».
Les enfants de Jean-Baptiste RENAULT et Augustine JEAN se doivent évidemment de poursuivre leurs études, au moins à la hauteur de leurs parents.
De fait, Marie RENAULT sera enseignante, et son frère Jean sera ingénieur.
Marie est professeur d’enseignement ménager à Rohanec’h, établissement scolaire agricole situé à St-Brieuc où elle réside avec son mari René JAFFRAIN. Sa discipline, basée sur une approche rationnelle et scientifique de la vie quotidienne, contribue à développer auprès des élèves souvent issus de la campagne le sens de l’hygiène, de la diététique ainsi que les méthodes de gestion financière de la vie quotidienne[1].
Différentes sessions la conduisent à se déplacer dans le département [2], voire jusqu’au Collège de Coêtlogon de Rennes.
Jean RENAULT, comme sa sœur, passe son enfance à Trémeur. Bien que d’une condition sociale favorisée, il se lie beaucoup avec ses camarades de classe habitant les fermes de la commune et avec plusieurs desquels il restera en relation très amicale durant toute sa vie. [voir : Etre écolier à Trémeur de 1913 à 1918].
Son goût pour la connaissance se développe tôt, grâce à un milieu familial très favorable et à des lectures nombreuses. Ses centres d’intérêt sont innombrables. Le parler de Trémeur, par exemple, constituera pour Jean un sujet d’étude et d’érudition : il est attiré par ce parler gallo si différent de la langue apprise à l’école, si pourchassé ou tourné en dérision par les gens des villes, mais qui est pour lui l’héritage culturel vivant d’un vieux français qui se parlait autrefois, la marque forte d’une identité locale toujours vivace malgré les efforts de la République pour imposer partout la langue française « officielle ». C’est aussi un outil de lien social fort. Avec Jean Renault, le « parlement de Trémeur » qui est un patois inutile pour certains devient un objet de connaissance et une source d’identité personnelle forte lors de sa longue période de vie parisienne.
La langue bretonne l’intrigue également. Il entend sa mère et sa tante le parler avec leur mère, ne le comprend pas mais ressent qu’il s’agit là encore d’un outil identitaire fort, même s’il est en déclin rapide. Il l’apprendra plus tard, quand la vie anonyme dans la grande ville lui fera en ressentir le besoin.
Il est admis, après l’école de Trémeur, à suivre les cours au lycée de St-Brieuc [3]. Durant la semaine il est hébergé rue Jobert de Lamballe, dans le quartier St-Michel, chez sa tante Louise JEAN et ses cousins Créhalet [4].
A l’issue de ses études secondaires, il est reçu au baccalauréat « Math Elem » en 1926. Il est ainsi le premier RENAULT à se voir décerner ce diplôme, encore très rare à l’époque. Puis il est admis au lycée St-Louis de Paris pour y préparer le concours d’entrée à l’Ecole Polytechnique. C’est durant ses études de « taupe » qu’il prend contact avec le Consul des Etats-Unis à Paris pour tenter de retrouver son oncle Alexandre.
Il sort bien classé de l’ « X » et opte pour l’Ecole Supérieure d’Electricité (« Supélec ») puis pour l’Ecole Supérieure des Télécommunications (« Sup-Télécom »).
Cet ingénieur « X-Télécom » est admis dans le corps des Ingénieurs des Télécommunications de l’Etat. Il sera promu Ingénieur en chef en 1946.
Son premier poste se situe à Rennes, où il exerce quelques temps à la Poste centrale. Il élit domicile boulevard de la Tour d’Auvergne.
Sa carrière le conduit ensuite à Paris, au service de vérification du matériel téléphonique, puis à la direction de l’enseignement. Il est nommé rue Barrault, à l’Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications où il exercera la fonction de directeur des cours techniques durant de très nombreuses années, jusqu'à son départ en retraite en 1973.
Il conçoit le poste téléphonique public à jeton, le fameux « taxiphone ». Il est également l’auteur de la « formule du télégraphiste », et rédacteur d’ouvrages d’anglais technique.
Très attaché à ses racines familiales et géographiques, il fréquente durant les années 30 et 40 les milieux bretons de la capitale. Il se rend régulièrement à Kêr Vreiz, foyer associatif breton situé 42, rue St-Placide, non loin de la gare Montparnasse. Il y apprend la langue bretonne, en partie par correspondance (Skol Ober), ce qui lui permet de renouer avec les origines culturelles de sa mère et surtout de fréquenter un cercle d’amis. Il s’abonne notamment à Gwalarn, la revue littéraire bretonnante d’avant-guerre créée par Roparz Hemon.
Il fait la connaissance à Kêr Vreiz de Marie LE BAILL, étudiante en pharmacie originaire de Brest, venue à Paris pour y poursuivre ses études. Elle habite chez ses parents un appartement situé 115, rue N.-D. des Champs, non loin de la Faculté de Pharmacie. Un peu plus tard, Marie et ses parents louent un appartement plus vaste situé au 117 de la même rue, au fond de la cour. C’est le début d’une longue présence au fameux « 117 ».
Marie Le Baill perd sa mère, Marie Adolphine MORLAIS, à l’issue d’une maladie infectieuse. Quelques temps après, durant l’occupation allemande, elle perd son père François LE BAILL, victime d’une congestion cérébrale à la suite d’une fausse alerte aux bombardements[5].
Marie LE BAILL exerce, avant son mariage, la profession de pharmacienne mais arrête rapidement son activité dès le premier enfant.
Jean RENAULT et Marie LE BAILL se marient le 12 août 1944 à la mairie du 6ème arrondissement de Paris, alors que la capitale fait l’objet d’intenses bombardements aériens : la cérémonie religieuse, qui réunit peu d’amis, se déroule pour des raisons de sécurité dans la crypte de l’église N.-D. des Champs.
Ils auront six enfants, auxquels ils décident de donner des prénoms bretons : Joelle (1945), Annick (1946), Hervé (1948), Armel (1952), Jean-Marie (1955) et Gwenole (1956).
Les liens avec les parents trémeurois restent forts. Les vacances familiales se passent surtout à Trémeur. En 1958, un terrain mitoyen de celui des parents de Jean est acheté, puis une maison de vacances y est construite.
Les loisirs et les centres d’intérêt de Jean RENAULT sont innombrables et éclectiques : jardinage, langues vivantes, histoire, musique classique (opéra russe en particulier), littérature française et étrangère, et bien entendu sciences et techniques.
Jean RENAULT prend sa retraite en 1973 à Rennes, dans sa province natale si présente dans sa vie et dans son cœur. Il y décédera le 8 juin 1978, à l’âge de 69 ans.
[1] Elle enseigne une discipline proche de l’actuelle VSP (vie sociale et professionnelle).
[2] Notamment à Lanvollon, où Louise Mézec fait sa connaissance (voir Le Livre des Jean).
[3] Le lycée de St-Brieuc est alors hébergé dans les locaux de l’actuel collège Anatole Le Braz.
[4] Voir Le livre des Jean.
[5] Voir Le Livre des Le Baill.