Mon aïeul Guillaume PONCIN (1783-1837) est né à Plougonvelin, près de la célèbre Pointe St-Mathieu dans le Finistère, département qui n'existait pas encore. L'unité territoriale était alors l'évêché, dont le siège était à St-Pol-de-Léon, et c'est le clergé qui avait la charge de tenir les registres des baptêmes, mariages et sépultures en lieu et place de l'actuel état-civil mis en place en 1792.
On a coutume de dire que c'est l'avènement de la République qui imposé l'usage de la langue française à l'ensemble des Français, alors que le clergé échangeait avec les paroissiens dans les langues en usage dans les différentes territoires.
S'il n'est pas contestable que la République, notamment la IIIème, a joué un rôle considérable dans la diffusion de la langue française auprès de l'ensemble de la population, il ne faudrait pas estimer à l'inverse que le clergé aurait tenu un rôle de conservateur farouche des langues dites régionales.
Je découvre ainsi en lisant l'acte de baptême de Guillaume PONCIN que mon cher aïeul est né au domicile de ses parents situé au "Long Sablon".
Copie de l'acte de baptême de Guillaume PONCIN, né le 4 avril 1783
au "Long Sablon" en Plougonvelin.
La recherche de ce lieu-dit ne donne rien, ni sur les cartes anciennes, ni sur les actuelles : il n'y a pas de Long Sablon à Plougonvelin !
Celles et ceux qui connaissent le breton l'auront compris, et j'en donne l'explication aux autres : en langue bretonne, "Long Sablon" se dite Trez Hir, la longue plage (trez : sable, hir : long).
Le Trez Hir, localité alors peu connue, devenue depuis un siècle une plage très fréquentée par les Brestois et les touristes, avait ainsi vu son nom traduit en français par le recteur Laot de la paroisse de Plougonvelin, entièrement de langue bretonne à cette époque.
Initiative personnelle ou demande de l'évêque du Léon, il est difficile de le savoir sur ce seul exemple.
Si le respect de la toponymie, notamment en Bretagne, revêt aujourd'hui une dimension urgente qui mobilise bon nombre de citoyens soucieux de la conservation d'une langue et d'une culture très riches, reconnaissons que la question de la francisation des noms de lieu ne date pas seulement de la Révolution et de la République : l'Eglise et le clergé y ont pris, ici et là, une part active.
Aujourd'hui, le nom de Trez Hir est redevenu depuis fort longtemps le toponyme officiel, et un touriste égaré qui demanderait sa route pour se rendre au Long Sablon susciterait l'hilarité ou la perplexité...
La plage du Trez Hir (photo CIM)
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Joelle (lundi, 04 septembre 2023 23:13)
Intéressant et rigolo, les parents de Mikael ayant une maison au Conquet emmenaient leurs enfants à la plage des "blancs sablons" pas si loin de Plougonvelin. Je n'avais jamais entendu autant ce mot de sablons.