Ravensbrück, matricule 35234

Un papier jauni, dactylographié avec application en 1944 une fois  accomplie la tâche d'entrée au camp. Un feuillet parmi des milliers d'autres, trouvé par les troupes soviétiques dans les armoires d'archives du camp de concentration de Ravensbrück lors de sa libération les 29 et 30 avril 1945.

 

Cette simple feuille, rassemblée aujourd'hui avec tant d'autres au musée d'Auschwitz, porte des noms. Et face à ces noms, on lit les matricules sagement alignés par le soldat qui a tapé ces listes interminables à la machine à écrire.

 

Matricule 35234. C'est tout ce qui reste aujourd'hui de la mémoire de Delphine LE GALL née MORLAIS, la cousine de ma grand-mère Marie MORLAIS, au côté du matricule 35233, celui de sa meilleure amie Célestine Léontine LE GALL.

La machine nazie, dans son abomination, l'a assassinée et anéantie en prenant soin préalablement de bien reporter sur une feuille de mauvais papier ses nom et prénom ainsi que sa date de naissance. Une précision de bureaucrate compétent, attestant que le travail d'accueil a été bien fait.

 

Veuve, ayant eu deux enfants mort-nés, trahie et dénoncée par son propre ancien chef de réseau de résistance, puis arrêtée, battue, déportée dans un wagon à bestiaux comme des centaines de milliers d'autres. Et enfin assassinée avec une méthode relevant d'une effroyable logique industrielle.

 

Il est à craindre que personne, après la chute du régime nazi, ne réclamera son corps désormais parti en cendres. Ses modestes effets personnels de marchande foraine ont été jetés ou vendus par un propriétaire qui ne percevait plus de loyer depuis de nombreux mois.

 

Anéantie, comme si elle n'avait jamais existé.

 

Préalablement à l'impérieux devoir de mémoire, il y a celui de découverte. J'ignorais encore tout, il y a seulement cinq mois, de l'existence de Delphine MORLAIS et de son calvaire. Et maintenant que je sais, je parle et je diffuse.

 

Pour que le martyre de Delphine, de son amie Célestine et de tant de centaines de milliers d'autres nous rappelle qu'il a été possible en France, il y a seulement 80 ans , que des personnes de tous âges soient arrêtés et conduits à la mort au seul motif qu'ils étaient eux-mêmes, dans la pratique de leur religion ou l'exercice de leurs convictions politiques.

 

Dalc'homp soñj (souvenons-nous, en breton) et faisons-le toujours savoir. Préventivement, pour l'avenir des hommes et des femmes qui feront le Monde de demain.

 

 

Feuillet extrait du registre du 22 avril 1944 tenu par les SS au camp de Ravensbrück où figurent les noms de Delphine LE GALL (matricule 35234) et de son amie Célestine Léontine LE GALL (matricule 35233.

(source : archives Arolsen, Code 2147004, document n° 272).

 

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