Une coutume bretonne : le décret de mariage

 

Repères géographiques : Maure et Gommenec'h.

 

Repères généalogiques : famille Barré / Thomas

Ascendance RENAULT / LE BLAIN / CORVOISIER / BARRE

 

Repères généalogiques : famille Jean / Even

Ascendance RENAULT / JEAN

 

  • A Maure, l'union de Raoul Barré
    et de Perrine Thomas

 

Nos ancêtres Raoul BARRE et Perrine THOMAS, habitant tous deux Maure (actuellement Maure-de-Bretagne), se sont unis en 1708.

 

La recherche de cette union n'a pas permis de trouver d'acte paroissial de mariage, ni à Maure, ni dans les paroisses voisines (notamment à Campel, où naîtra leur fils François).

Tout au plus trouve-t-on, perdu dans le registre de Maure en 1708, à la date du 9 janvier, une allusion à leurs fiançailles : 

 

"Raoul Barré et Perrine Thomas de Maure après avoir reçu le décret de mariage se sont fiancés en présence de leurs parents, étaient présents Pierre Guillotel et Olivier Thomas".

 

Leurs fiançailles font allusion à un décret de mariage : c'est le juge qui, dans le cas présent, a autorisé l'union de Raoul et Perrine. 

 

Cette pratique, limitée à la province de Bretagne, concernait les cas où au moins l'un des deux futurs époux étaient mineur et était, de plus, orphelin d'au moins un de ses parents (ou du père, selon certaines sources).

 

Rappelons que la majorité n'était alors reconnue en Bretagne qu'à 25 ans, tant pour les jeunes gens que pour les jeunes femmes.

 

En temps normal, les deux parents de l'enfant mineur auraient donné leur accord s'ils avaient consenti au mariage de leur fils ou de leur fille. Mais en l'absence de l'un des parents, la décision familiale ne pouvait être prise.

 

C'est le juge de la juridiction dont relevait la paroisse de résidence de l'enfant qui se substituait alors aux parents du (de la) prétendant(e) au mariage et qui arrêtait sa décision par un décret de justice ou décret de mariage pris après consultation de pas moins de 6 membres de la famille paternelle, et autant de la famille maternelle.

 

Cette consultation de 12 membres de la famille conduisait à un avis sur le projet de mariage, repris ensuite par le juge pour arrêter sa décision.

 

Quant au rôle du recteur de la paroisse dans l'administration du sacrement de mariage, il paraît imprécis.

 

Dans le cas présent, le recteur de la paroisse de Maure semble s'être contenté de prononcer les fiançailles de nos deux tourtereaux, l'acte de mariage semblant introuvable.

 

Ici, l'acte de fiançailles semble valoir acte de mariage, mais cette pratique paroissiale n'était pas partagée par l'ensemble du clergé, comme l'indique l'exemple suivant.

 

 

  • A Gommenec'h, l'union de Guy Jan
    et de Françoise Even

 

Le mariage assez atypique de Guy JEAN dit BLAIS et de Françoise EVEN à Gommenec'h (évêché de Tréguier) en 1774 a déjà attiré notre attention en raison de la grande différence d'âge entre les deux conjoints, et a été relaté dans un autre post (voir).

 

Françoise a alors 19 ans, tandis que son futur époux en a presque 50. Elle est mineure et orpheline de ses deux parents : elle a perdu sa mère à l'âge de 5 ans, et son père à une date antérieure au projet de mariage.

 

Selon les règles de droit appliquées sur l'ensemble de la Bretagne, elle ne peut dont se marier sans l'autorisation expresse du juge et doit recueillir préalablement son autorisation pour contracter mariage.

 

On dit alors qu'elle est "décrétée de justice", comme en témoigne l'acte paroissial :

 

 

"Le treize de septembre mille sept cent soixante-quatorze, Guy Jean dit Blais fils majeur [...] et Louise Even fille mineure de défunts Jan Even et Françoise Foëson [...], cette Even décrétée de justice par ordonnance de la juridiction de Coetmen du neuf de ce mois, signée Jouland greffier, ces deux de cette paroisse [...] ont été par le soussigné recteur conjoints après fiançailles en face d'église [...] en légitime mariage suivi de bénédiction nuptiale [...]".

Moyennant les précisions juridiques imposées sur l'autorisation de Françoise à se marier, le présent acte présente les caractéristiques habituelles d'un acte de mariage : le recteur de Gommenec'h ne s'est pas limité aux fiançailles et a prononcé un mariage religieux habituel.

 

 

  • Les décrets de mariage, une mine précieuse
    de renseignements

 

On trouvera des compléments d'information sur cette procédure originale fournis par les généalogistes Marie-Hélène LERAY sur le site de Généanet (voir) et Sophie BOUDAREL dans la Gazette des Ancêtres (voir). 

Le caractère propre à la Bretagne de cette disposition laisse à penser qu'il s'agirait d'une coutume juridique ancienne du Duché, sans doute antérieure à son union au Royaume.

 

Les décrets de mariage sont déposés aux Archives Départementales avec l'ensemble des ressources juridictionnelles.

 

Leur intérêt dans la recherche généalogique est qu'ils fourmillent de détails précieux sur les personnes qui en font l'objet et sur leurs familles, là où les actes paroissiaux se limitent généralement à la mention des parents et de quelques personnes présentes.

 

Ces ressources ne sont pas numérisées, sauf exception, et nécessitent une lecture sur place.

 

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Commentaires: 2
  • #1

    rozenn (lundi, 06 mars 2023 19:00)

    Ah mais voilà une partie de la réponse à ma question "mais où retrouves-tu toutes ces informations ? " ;)

  • #2

    Joelle (mardi, 07 mars 2023 13:51)

    J'avais entendu parler de cette coutume en ne la sachant pas spécifiquement bretonne. Je sais aussi que pendant longtemps une rupture de fiançailles pouvait donner lieu à dédommagement jusque devant un juge, notamment pour atteinte à la réputation de la future.
    C'est bien d'avoir un exemple qui nous touche forcément un peu.

(c) Jean-Marie Renault, 2008-2023

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